Comment un film est-il fabriqué ?

Le développement

Au commencement

Il n’existe pas de schéma type concernant la naissance d’un film. Si ce n’est que quelqu’un, quelque part, motivé par l’envie de raconter quelque chose, va avoir une idée. Ou plutôt une envie : celle de raconter une histoire.

Il ne s’agit alors pas d’un scénario, celui-ci sera écrit plus tard. On parle ici plutôt d’une idée de personnage, de pitch, de thème, d’adaptation ou de remake, qui va mûrir parfois pendant des mois voir des années.

C’est à l’issue de ce processus, une fois que l’envie est grande et l’idée cernée, que l’étape dite de développement, ou pré-production, peut commencer.

Un temps de réflexion

L’étape du développement dont on parle ici est d’une importance primordiale ! En effet, il faut cerner très précisément son projet, savoir exactement ce qu’on veut en faire avant ne serait-ce que de commencer à écrire le scénario. Même si l’idée de base est déjà bien cernée, des questions importantes doivent encore être réglées.

La personne qui va prendre en charge le projet est le·a producteur·rice (que l’idée de départ vienne de lui/elle ou non). Ce·tte dernier·ère va engager sa réflexion auprès d’autres professionnels du cinéma pour commencer à donner corps à son projet. Il s’agit ici de se documenter et d’aborder toute une multitude de points : qu’est ce qui est intéressant à raconter ? Comment s’y prendre pour le raconter ? Qui pour écrire ? Réaliser ? Y a-t-il des droits à acheter ?… Autant de questions qui devront trouver une réponse pour que le projet puisse vraiment commencer.

A cette étape, le·a producteur·rice doit mettre la main à la poche pour développer son idée. Le projet n’est en effet pas assez concret pour que des financeurs extérieurs prennent des risques sur quelque chose qui pourrait de ne pas aboutir. Il est d’ailleurs fréquent que des projets ne dépassent pas ce seuil de développement.

L’écriture du scénario

Une fois que le projet est clairement défini, l’écriture du scénario peut être envisagée. Le·a producteur·rice se sera au préalable entouré d’un·e scénariste. Il est important que ces deux personnes soient en accord sur la direction à emprunter et l’aspect final de l’œuvre. L’inverse, source de tensions futures, pourrait être dommageable voir fatal à la fabrication du film.

Lors de l’écriture, il est donc important que des points réguliers entre les deux personnes (voir le·a réalisateur·rice s’il ou elle est déjà impliqué·e sur le projet) soient faits sur l’avancement.

Même si l’écriture du scénario est engagée, cela ne veut pas pour autant dire que le film se fera. Il s’agit d’une étape à l’issue incertaine. Certains projets pataugent durant des mois et finissent par être abandonnés. D’autres, comme le scénario d’Il était une fois en Amérique, aura demandé presque 12 ans d’écriture…

Sur le tournage d’Il était une fois en Amérique, dont l’écriture du scénario dura presque 12 ans.

Trouver le financement

Fabriquer un film coûte très cher. Loin de parler des plusieurs dizaines de millions de dollars de budget des grosses productions outre-atlantique (plus de 300 millions de dollars pour un Avengers), le budget moyen d’un film en France tourne autour de 4-5 millions d’Euros (tout de même !).

Le·a producteur·rice va devoir convaincre les investisseurs de mettre de l’argent dans son projet. Et pour cela, les persuader du retour sur investissement que leur permettra le film. Par exemple, la promesse de la participation d’un·e ou de plusieurs acteur·rice·s reconnus ou la présence d’un·e réalisateur·rice vedette peut faciliter les choses.

En France, on compte deux principales sources de financement:

– L’argent public (soft money), délivré par des institutions comme le CNC, les régions ou des crédits d’impôts. Son avantage est qu’il n’est pas (ou très peu) demandeur de retour sur investissement.

– L’argent du marché, notamment des chaines de télévision, qui pour le coup est demandeur d’un retour sur investissement (Canal+, TF1, M6…).

Une banque va ensuite enregistrer ces promesses d’investissement matérialisées par des contrats et générer l’argent nécessaire à la fabrication du film.

Les studios, le·a producteur·rice ou tout autre personne aux revenus suffisant peut aussi participer au financement du film. Il arrive que certains misent gros et engagent la viabilité financière de leur entreprise ou de leur personne. En cas d’échec commercial, les conséquences peuvent être lourdes.

La préparation

Embaucher les équipes

Le financement bouclé, les choses s’accélèrent. Si ce n’est pas déjà fait, le·a producteur·rice va trouver un·e réalisateu·rice intéressé·e par le projet. Ce ou cette dernier·ère va ensuite s’entourer d’un·e scripte, des chefs de département – directeur·rice de la photographie, chef·fe décorateur·rice, directeur artistique, monteur·euse… – qui a leur tour embaucheront leur équipe. Le·a directeur·rice de casting et le·a réalisateur·rice vont identifier les acteur·rice·s qui donneront vie aux personnages.

L’enjeu est important car chaque technicien·ne – a qui revient une tâche spécifique – s’il ou elle fait mal son travail, met à mal l’ensemble du projet. De la même manière, l’entente entre le·a producteur·rice et le·a réalisateur·rice sur l’aspect final de l’œuvre doit être claire pour éviter de prendre de mauvaises décisions et mettre en danger la production.

L’équipe prend la pose sur le tournage de Star Wars épisode IV. Avec notamment Alec Guinness, George Lucas, Mark Hamill et Richard Edlund.

Préparer le tournage

En s’appuyant sur les documents de travail conçus plus tôt (scénario et dépouillement) et sous la supervision du ou de la producteur·rice et du ou de la réalisateur·rice, les différents départements mettent tout en œuvre pour que tout soit prêt au moment du tournage. L’enjeu consiste à arrêter de façon extrêmement précise ce qui va être tourné et comment. C’est une étape essentielle pour que le tournage se déroule de la manière la plus fluide possible… et respecte son budget !

Les décors. Une série de repérages est organisée pour identifier et choisir les différents lieux qui serviront de décor. Dans certains cas, il est choisi pour des raisons pratiques de construire les décors dans un studio. Les équipes de la décoration vont donc s’atteler à dessiner puis construire les décors voulus pendant que la production s’occupe d’obtenir les autorisations de tournage et de réserver les plateaux.

Les costumes et maquillage. Le département HMC (Habillage, Maquillage, Coiffure) va identifier, choisir, créer, tester et organiser l’ensemble des costumes et maquillages qui seront utilisés lors du tournage. Suivant le type de film, ceci peut représenter un travail colossal !

Choix du matériel. En fonction du rendu souhaité, les équipes des départements de l’image, du son, de la machinerie et des effets spéciaux vont identifier et tester le matériel et les techniques qu’ils vont utiliser lors du tournage tout en ayant déjà en vue les enjeux de la post-production.

Un planning serré. Un calendrier de tournage précis est établi par la production. Ce dernier organise l’ensemble du tournage en jours de travail. Le but est simple : respecter les temps impartis, et donc le budget. La production doit aussi boucler les contrats, s’assurer qu’ils sont conformes avec la législation des pays où se déroulera le tournage.

La logistique. Un tournage brasse beaucoup de monde et de matériel. La régie se doit donc d’anticiper la logistique générale. Elle réserve les hôtels, prévoit les moyens de transport et d’hébergement/d’entreposage du personnel et du matériel, s’assure que tout le monde aura de quoi manger, etc.

La post-production. Elle n’interviendra que dans quelques semaines mais il faut déjà préparer la post-production. Le·a directeur·rice de post-production va établir un planning et un devis en fonction des besoins. Il s’agit ensuite de réserver les salles de montage, les auditoriums, trouver un laboratoire, monter les équipes. On commence dès lors à réfléchir à la mise en œuvre des effets spéciaux.

Le Tournage

Une organisation stricte

Cette étape de la fabrication d’un film est de loin la plus spectaculaire. En effet, le déploiement de machinerie, les installations lumineuses et la présence d’acteur·rice·s dans des décors parfois grandioses peut donner lieu à des images impressionnantes.

Des dizaines de personnes vont et viennent sur le plateau. L’ensemble de ces corps de métiers, qui travaillent ensemble, respectent une hiérarchie stricte qui permet à chacun de rester à sa place et de s’occuper de ce qu’il a à faire sans gêner les autres.

Un fonctionnement fluide est nécessaire pour accumuler le moins de retards possible tout en travaillant dans de bonnes conditions. Un tournage qui dépasse les temps impartis peut vite coûter cher ; un jour en plus et se sont des heures supplémentaires, de frais de location et de fonctionnement général qu’il faudra payer.

Travelling
Sur le tournage d’Interstellar, réalisé par Christopher Nolan.

Les imprévus

Si les choses ont bien été préparées lors du développement et de la préparation, tout doit se passer pour le mieux. Mais il arrive souvent des imprévus (météo capricieuse, acteur·rice momentanément indisponible, accidents en tout genre…) qui retardent le tournage, ce qui a un coût. C’est pourquoi il est important que dès la préparation soit prévu dans le budget du film la gestion des imprévus, qui représentent en général 10% du budget de fabrication.

Un tournage qui se déroule bien, c’est un tournage qui dégage un espace de liberté qui permet aux artistes et technicien·ne·s de se concentrer sur leur travail plutôt que sur des impératifs logistiques de dernière minute qui viennent en quelque sorte polluer l’atmosphère créative sur le plateau.

Les choses se passent parfois tellement mal que le film finit par ne pas se faire. L’un des exemples les plus célèbres en la matière étant celui de L’Homme qui tua Don Quichotte dont le tournage a commencé au début des années 2000 avant d’être abandonné. Le projet sera ensuite repris pour finalement sortir en 2018.

Terry Gilliam et Jean Rochefort sur le tournage de The Man Who Killed Don Quixote _ Extrait de Lost in la Mancha – Copyright Haut et Court

Aussi une étape créative

Même si tout a été préparé en amont, le tournage est aussi un lieu où s’exerce la créativité de chacun. En effet, les choses devenant concrètes, des inspirations de dernière minute peuvent, par petites touches, modeler le film sous un aspect qui n’était pas prévu, voir pas prévisible à l’avance. Il ne s’agit pas non plus de faire n’importe quoi ni de tout changer au dernier moment, un tournage étant tenu de respecter un planning souvent serré.

La post-production

Traitement des rushes

Contrairement à ce que son nom indique, la post-production commence souvent en parallèle du tournage. Une fois créées, les rushes sont envoyées au laboratoire pour être stockées, sécurisées et éventuellement subir un traitement en accord avec le·a directeur·rice de la photographie.

Au cinéma, le son est enregistré indépendamment de l’image. Ce sont les assistant·e·s monteur·euse·s qui vont se charger de synchroniser ces deux éléments. Pour faciliter le travail du ou de la monteur·euse, ils ou elles vont visionner tous les rushes et les annoter.

Le montage image

Le montage en tant que tel commence aussi en parallèle du tournage. Ceci permet en premier lieu de gagner du temps mais aussi de repérer avant que le tournage ne soit terminé – et donc les décors détruits et le personnel indisponible – si des éléments sont manquants ou doivent être retournés.

Il est important de noter que c’est uniquement à partir de cet instant que le film tel qu’il sera vu et vécu par le spectateur commence à prendre forme. Les rushes n’étaient jusqu’ici qu’une suite d’éléments disparates dans le désordre. Le·a monteur·euse va sélectionner et agencer les plans entre eux, et ainsi donner son rythme et son sens au film.

Timeline sur le logiciel de montage Avid avec ses multiples pistes vidéo et audio.

Le montage son

Outre les élements sonores enregistrés lors du tournage, d’autres sont réalisés plus tard. C’est le cas par exemple des bruitages généralement produits dans un auditorium par un·e bruiteur·euse. Mais il y a aussi les dialogues post-sychronisés, le doublage, les effets sonores particuliers qui seront conçus par des technicien·ne·s du son en studio ou en extérieur. N’oublions pas le·a compositeur·rice qui aura au préalable composé son œuvre.

Si le·a monteur·euse image a une multitude de rushes à assembler, le·a monteur·euse son doit aussi composer avec divers éléments sonores. Il y a le son direct, réalisé lors de la prise ; les sons seuls, enregistrés sur le tournage mais hors caméra ; les dialogues post-synchronisés ; les bruitages ; les ambiances sonores ; la musique (originale ou additionnelle)… Le·a monteur·euse son va devoir les assembler et rendre l’ensemble harmonieux et cohérent, selon les désirs du ou de la réalisateur·rice et/ou du ou de la producteur·rice.

Les effets spéciaux

Plus ou moins en parallèle des deux étapes précédentes peuvent commencer la conception des effets spéciaux. Aujourd’hui essentiellement réalisés par ordinateurs, ils sont très variés et n’ont pas (vous vous en doutez) la même importance suivant les films. Dans l’un, il peut s’agir d’effacer des pylônes électriques dans le lointain alors que dans d’autres cas il s’agira plutôt de détruire une ville, voir une planète ou de faire rajeunir Brad Pitt.

Interviennent des dizaines de technicien·ne·s allant du ou de la directeur·rice artistique aux animateur·rice·s 3D. Ils ou elles peuvent procéder à partir des rushes du tournage pour ajouter/modifier des éléments. Mais aussi partir d’une page vierge pour créer des séquence entièrement numériques.

Les effets visuels peuvent être très complexes à réaliser, même s’ils sont numériques. Ils doivent être pensés pendant la préparation, demandent un travail de recherche et de conception important, imposent des contraintes techniques en vue de leur mise en œuvre sur le tournage et peuvent demander beaucoup de temps et de main d’œuvre en post-production. En somme : ça coûte très cher. Ce qui explique que les films à effets spéciaux restent encore cantonnés aux grosses productions.

L’étalonnage

Le montage image terminé, c’est l’étalonneur·euse qui finalise l’aspect visuel du film. Sous la supervision du ou de la directeur·rice de la photographie et du ou de la réalisateur·rice, il va modifier l’image pour la faire correspondre au rendu souhaité. Pour cela, il se sert d’un logiciel dédié qui lui permet de jouer sur le contraste et la colorimétrie des images. L’enjeu est aussi d’harmoniser l’ensemble des images entre elles, dans le but de créer un univers visuel cohérent tout au long du film. Par exemple, les films de Jean-Pierre sont célèbres pour le rendu jaune de leurs images.

Extrait de Un Long Dimanche de Fiançailles, réalisé par Jean-Pierre Jeunet, Bruno Delbonnel à la photographie.

Le mixage

Enfin, le·a mixeur·euse intervient. Lors du montage son, tous les éléments sonores sont répartis sur des pistes (ou bandes) sonores différentes, chacune avec leurs réglages. Le travail du ou de la mixeur·euse va consister à rassembler toutes ces pistes en une seule destinée à la diffusion. Loin d’être simple, cette étape permet d’harmoniser les sons entre eux et de contrôler leur qualité. Le·a mixeur·euse a un rôle d’ordre esthétique puisqu’il ou elle finalise le rendu sonore du film tel qu’il sera entendu par le spectateur, sous la supervision du ou de la réalisateur·rice. Il ou elle organise également la spatialisation des sons : stéréo, 5.1, 7.1, Dolby Atmos…

Finalisation de la copie et livraison

Une fois que le·a producteur·rice, le·a réalisateur·rice et les éventuels ayants-droits s’entendent sur le résultat final, le film est terminé. Reste à le montrer au public et pour cela, le laboratoire va réaliser une série de copies, soit en numérique (DCP), soit en pellicule. Ces copies seront ensuite envoyées au distributeur en charge de la commercialisation de l’œuvre…

Distribution & Exploitation

Vendre le film

Le distributeur détient des droits pour diffuser le film pendant une période donnée sur un territoire défini. Il les a achetés au ou à la producteur·rice assez tôt, en général même avant le tournage, pendant le financement du film. En réalisant un pré-achat, il arrive que le distributeur soit aussi co-producteur.

A son tour, le distributeur va chercher à vendre le film, cette fois au public. Première étape: évaluer le potentiel commercial de l’œuvre et identifier le public cible. Ensuite, il va concevoir tout le matériel promotionnel nécessaire : bandes-annonces, affiches, campagnes d’affichage publicitaires, tournée promotionnelle…

C’est également le distributeur qui va décider combien de copies du film seront distribuées et à qui. Le nombre de copies, établit en fonction du potentiel commercial, peut varier de un pour un film à l’audience (très) confidentielle jusqu’aux alentours de 900 pour un blockbuster (très) attendu. C’est également le distributeur qui fixe la date de sortie.

Certains distributeurs sont aussi co-producteurs et exploitants comme par exemple la Gaumont ou UGC en France. Ce qui leur permet de gérer toute la chaine de production d’un film.

Exploitation

Jusqu’ici, seules les personnes ayant travaillé au plus près du film l’ont vu. Et encore. Le résultat final va enfin pouvoir être diffusé auprès du public. C’est la phase d’exploitation, et les enjeux sont énormes puisqu’on va enfin savoir si le film va plaire et rentrer dans ses sous.

Benjamin Breda, projectionniste, pendant une séance en 70mm des 8 Salopards.

De nos jours, il existe différentes structures pour diffuser les films. Outre les cinémas qui se partagent entre les multiplexes et les salles indépendantes, il existe les plateformes SVOD telles Netflix ou MyCanal qui enregistrent un succès grandissant depuis le début des années 2010. N’oublions pas non plus les supports physiques tels que les DVD ou les Blu-Ray, en perte de vitesse mais toujours présents.

La sortie d’un film sur l’ensemble de ces diffuseurs/exploitants est soumise en France à la chronologie des médias qui fait qu’un film qui sort au cinéma ne peut pas sortir en même temps sur Netflix ou en DVD.

Quoi qu’il en soit, il ne reste plus qu’à bien s’installer et à profiter du spectacle.

Un grand merci à Charles Gillibert, CG Cinéma, Clara Vincienne et Aurèle Collin d’avoir rendu cet article possible.

Publié le 2 février 2019. Dernière mise à jour le 12 septembre 2021.

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