Patrice Girod, génération George Lucas

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En 1977, alors enfant, Patrice Girod est tombé amoureux de Star Wars. Depuis il n’a jamais abandonné la saga, se consacrant entièrement à elle. Pendant 15 ans directeur du magazine LucasFilm, ce passionné a rencontré George Lucas et assisté aux tournages des films de la deuxième trilogie. Il gère aujourd’hui ScienceFictionArchives.com dont le but est de conserver et montrer au public des objets cultes de la science-fiction.

Dans ce court entretien, il nous parle de Star Wars avec et sans George Lucas.

 

En quoi Star Wars était une révolution en 1977 ?

C’était une révolution culturelle, technique… Enfin une révolution à tous les niveaux puisque George Lucas a littéralement amené la pop culture dans le cinéma. On voit aujourd’hui les Marvel, en fait il a amené la BD au cinéma en faisant des films de série A et pas de série Z. Il a donné ses lettres de noblesse à ce genre et l’a fait avec excellence, d’une manière exceptionnelle, avec un propos simple pour les enfants. Mais c’était aussi un cours mythologique, des effets spéciaux incroyables jamais vus, une musique de style Wagner, enfin voilà, le top du top !

 

Star Wars maintenant c’est sans Lucas, est-ce que c’est la même chose ?

Non ce n’est plus la même chose, de toute façon il y a un avant et un après. Même George Lucas première trilogie et deuxième trilogie ne sont pas les mêmes parce qu’il avait changé, il avait vieilli, il n’était plus jeune réalisateur mais était devenu le nabab qu’il était. De toute façon comme tous les grands artistes, il a des périodes, et maintenant il y a cette nouvelle ère sans George Lucas. Ça va être différent, mais ça ne veut pas dire que ça va être moins bien. George Lucas avait un oeil, les deux premières trilogies ont une sorte d’unité visuelle incroyable. Là, la complexité pour les nouvelles équipes c’est d’arriver à avoir cet oeil qui faisait travailler et retravailler les équipes de Lucas jusqu’à ce qu’il obtienne la chose qui semble aller dans son univers. Le problème c’est que quand on voit les produits dérivés, par exemple les BD et les romans qui sont faits depuis 30 ans, on voit que ce n’est pas du George Lucas. Parce que lui avait une manière de trouver les noms, il avait une manière… Quand on voit certains personnages, ça ne rentre pas dans l’univers, c’est trop extrême pour Star Wars. C’est un peu ce que je risque de ressentir dans les nouveaux films, je vais voir des choses qui n’auraient jamais été validées par George Lucas. Parce que moi je suis vraiment génération George Lucas à fond.

 

Que s’est t-il passé dans votre tête d’enfant quand vous avez vu le premier Star Wars ?

J’ai eu ce qu’on appelle le phénomène d’identification, c’est à dire que pendant deux heures je suis devenu Luke Skywalker. C’est une des rares fois où ça me l’a fait au cinéma d’ailleurs.

 

Vous avez connu George Lucas je crois.

Je l’ai rencontré à maintes reprises, j’ai eu la chance de déjeuner avec lui à chaque fois que je suis allé sur les tournages des trois nouveaux films. C’est quelqu’un de très simple, je suis toujours étonné qu’un homme aussi riche, aussi puissant, aussi indépendant, qui a parfois une Cour autour de lui avec producteurs et attachés de presse, ait pris le temps à chaque fois de passer une heure et demie avec nous à dîner et discuter de ses films. Cela alors que d’autres gens pourraient s’occuper des magazines de fans plutôt que lui, qui a d’autres choses à faire dans la production de ses films.

 

Que vous a-t-il dit sur Star Wars ?

Sur le troisième film, il m’avait fait rigoler en disant que c’était un soap opera. C’est le cousin de la cousine qui embrasse le cousin dont l’oncle est fou furieux… Pour lui c’est une histoire de famille.

 

Est ce que vous savez ce qu’il a pensé d’avoir vendu Star Wars à Disney ?

Pas du tout.

 

(Dommage.) Star Wars, c’était un choc technologique en 1977. Qu’est-ce qu’il lui reste aujourd’hui pour attirer de nouveaux spectateurs qui n’ont même pas connu la seconde trilogie ?

Ils ont pour eux d’avoir cet univers magique, les droïdes, les planètes, les sabres-lasers… Il (George Lucas) a vraiment créé un bestiaire, un arsenal, c’est un univers incroyable qui est ultra ludique à regarder pour les enfants. Effectivement il n’y aura pas de révolution technologique comme George l’a toujours fait avec ses Star Wars, Disney ils ne sont pas là pour ça. Celui qui a repris le flambeau aujourd’hui c’est James Cameron mais c’est le seul à Hollywood qui peut mettre 500 millions de dollars en recherche et développement pendant quatre ans pour avoir l’outil dont il a envie parce qu’il a fait trois milliards avec son film d’avant. Les choses ont changé. Cameron est l’héritier de George Lucas dans son esprit. Disney, avec Star Wars, a le pouvoir de raconter de belles histoires et d’avoir entre les mains une franchise incroyable avec laquelle on peut faire des contes épiques. Star Trek c’est militaire, Star Wars est un conte de fées, pas de la science-fiction, et ça se retrouve avec les chevaliers et leur épée magique. Quelque part il a créé un petit bijou, un conte mythologique moderne. A eux de faire des films à la fois divertissants avec un vrai propos et surtout qu’on sorte de là en disant “wahou”.

 

Donc vous pensez qu’un gamin qui aurait l’âge que vous aviez en 1977 pourrait ressentir la même chose ?

Bien sûr, je pense notamment aux filles si elle s’identifient à Rey, qui apparement est le personnage principal de ce film. Si le film marche, normalement la petite fille de 10 ans va en sortir en disant “moi je veux devenir Rey !”

 

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Couverture Génération SF_21-10.inddPatrice Girod a écrit un livre sorti début décembre 2015 aux éditions Bragelonne. Il le présente ici :

Je m’occupe de la plus belle collection d’objets de cinéma au monde, avec laquelle je fais des expositions. On en a fait un livre, “Génération Science-Fiction”, en photographiant toute cette collection d’objets pour raconter notre passion pour ce cinéma. Si vous voulez comprendre tout ce cinéma des années 80 (Aliens, Superman, Retour vers le Futur…) et en quoi il nous a touché. Dans ce livre on rend hommage à tous les gens qui l’ont fabriqué que ce soient les costumiers, les designers, les décorateurs… Quelque part c’est un voyage visuel, il y a peu de texte, qui nous entraine dans ce cinéma populaire de science-fiction.

 

 

Propos recueillis le 1er décembre 2015.

Publié le 12 décembre 2015. Dernière mise à jour le 21 avril 2018.

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