50 ans après : Le 70mm Ultra Panavision ressuscité

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Il n’avait pas été utilisé depuis 1966 lors de la sortie de Khartoum. En tout, il n’a servi que pour une petite douzaine de films. Depuis 50 ans donc, plus rien. Jusqu’à ce que Quentin Tarantino choisisse le 70mm Ultra Panavision pour filmer son film Les 8 Salopards sorti début 2016. Ramener à la vie une technologie non utilisée depuis autant de temps s’est avéré être un défi hors normes. Nous allons vous raconter comment a été remis en place l’exploitation d’un tel film dans les rares cinéma où il a été projeté dans ce format mythique.

 

Pour plus de détails : Le récit Tristan Frontier de SNDInterview d’Alain Surmulet et puis aussi à lire avant : Découvrir l’Ultra Panavision 70.

 

Le choix du distributeur

The Weinstein Company, qui détient les droits du film, ne pouvait pas vendre les droits d’exploitation à n’importe qui. Il fallait que le distributeur s’engage à projeter le film en 70mm. C’est SND (Groupe M6) qui a finalement remporté la partie. Un petit problème n’a pas tardé à pointer le bout de son nez : les engagements portaient sur une sortie en 70mm standard, sauf que The Weinstein Company a précisé plus tard que ce serait du 70 Ultra Panavision, un procédé non utilisé depuis 50 ans…

Un problème de lentille

Si les projecteurs 70mm classiques sont capables de projeter du 70mm Ultra Panavision, il faut néanmoins pour cela qu’ils soient équipés d’une lentille spéciale qui permette de désanamorphoser cette image singulière et ainsi obtenir le bon ratio de 2.76:1 à la projection. Le problème étant que toutes ces lentilles avaient soit disparu soit étaient devenues hors d’usage. 

Contacté par SND, c’est Alain Surmulet qui s’est chargé de concevoir une nouvelle optique. C’est grâce à une lentille d’anamorphose d’un rapport de 1.25 prévue pour le numérique qu’il a pu concevoir cette optique. Après quelques tests, il s’est avéré que l’ensemble bricolé fonctionnait parfaitement.

projecteur 70

La conception de la copie

Au début des années 2000, un blockbuster comme Harry Potter ou Le Seigneur des Anneaux sortait tout de suite sur 800, 900 voir 1000 copies pour le seul territoire français. Les laboratoires tournaient à plein régime et étaient plus nombreux. Aujourd’hui, le numérique est passé par là et les laboratoires qui n’ont pas fermé ont arrêté la production de copies pellicule. S’il n’en reste en France que quelques rares capables de concevoir des copies 35mm, il ne reste qu’un seul laboratoire au monde capable de fabriquer du 70mm : FotoKem à Los Angeles aux Etats-Unis. Toutes les copies ont été conçues là-bas.

Le choix des salles

La société 2AVI a été mandatée par SND pour faire un audit dans les salles intéressées pour projeter le film en Ultra Panavision. Il a fallu pour cela faire un mailing à plus de 2000 exploitants, seule une petite dizaine ont répondu à l’appel.

Ces salles devaient répondre à quelques impératifs qui permettraient d’assurer les conditions optimales aux projections.

  • – la cabine de projection devait être assez spacieuse pour accueillir un projecteur 70mm ainsi que les plateaux qui supportent la pellicule (qui mesure quand même 6km et pèse 110kg…), assez volumineux, et un projecteur supplémentaire pour les sous-titres.
  • – Elle devait aussi avoir assez de hublots donnant sur la salle pour pouvoir projeter à la fois l’image et les sous-titres.
  • – Les accès aux cabines devaient être assez larges pour y amener le matériel.
  • – La présence d’équipement déjà présent et fonctionnel était prise en compte.
  • – L’écran de la salle ne devait pas être de type silver (métallisé, utilisé pour gagner en luminosité pour les projections 3D).
  • – La salle ne devait pas être trop petite et avoir un écran d’une quinzaine de mètres de largeur minimum.
  • – Le budget nécessaire au rééquipement.
  • – L’enthousiasme des équipes sur place.

Les salles ont ensuite été ou se sont équipées du matériel adéquat. L’optique était prêtée par SND, il ne manquait plus qu’a l’adapter aux projecteurs des cinémas. Des travaux plus ou moins importants ont été menés. Par exemple Le Sésame à Aix-en-Provence a changé l’écran de sa salle pour pouvoir projeter le film. Pour l’avant-première au Grand Rex, il a fallu aller jusqu’à reconstruire une cabine de projection spécifique !

overture

Une scénographie particulière

En plus d’être projeté en 70mm Ultra Panavision, ce qui est déjà un tour de force, Quentin Tarantino a voulu une scénographie particulière. Dans les années 50, lors de telles projections, vous aviez une ouverture musicale avant le film et un entracte. C’est ainsi que la projection commence avec un morceau de la bande originale composée par Ennio Morricone sur une image rouge représentant une diligence tirée par des chevaux au galot, avec en grandes lettres écrit “Overture”. Presque deux heures plus tard, un entracte de 12 minutes, puis le film redémarre après un court extrait musical.

Cinq salles en tout ont eu la chance de projeter le film en 70mm Ultra Panavision : le Kinepolis de Lomme, le Grand Mercure d’Elbeuf, le Cézanne d’Aix-en-Provence, l’Appollo Ciné 8 de Rochefort et le Gaumont Marignan à Paris. Une chance car cet opportunité risque de ne pas de se représenter avant très longtemps, sinon jamais.

Voir les interviews d’Alain Surmulet et Tristan Frontier.

Photos prises au Gaumont Marignan par Quentin Pellissier en janvier 2016.

Un grand merci à l’équipe du Gaumont Marignan et spécialement Benjamin Breda pour son accueil.

Corrections : Aurèle Collin.

Publié le 7 février 2016. Dernière mise à jour le 21 avril 2018.

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